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Justice spatiale

Les réorganisations des systèmes hospitaliers étant à l’ordre du jour dans la plupart des pays développés, ce projet de recherche vise à connaître et à expliciter géographiquement les arguments des citoyens, avec comme enjeu l’identification et la mise en œuvre de ce qui peut être considéré comme spatialement juste. La notion théorique de justice spatiale est récente, et cette actualité en rencontre une autre, celle des débats sur les politiques publiques territoriales. On constate que des logiques qui semblaient pendant longtemps aller de soi sont désormais remises en question. Par ailleurs, l’apposition des termes "justice" et "spatiale" ne se réduit pas à une simple application au territoire des théories de la justice existantes, mais constitue un nouveau champ pour les chercheurs, tant en géographie qu’en science politique. Définir une justice spatiale, c’est, en fait, définir un possible être-là-ensemble, et ainsi produire un "contrat social" spatial, c'est-à-dire la composante spatiale de ce que, au-delà des débats sur la pertinence de la notion, on peut appeler un contrat social. Notre recherche se situe aux confins de la géographie des acteurs, de la sociologie de la justification, de la science politique des configurations légitimes et de la philosophie éthique et politique. Elle combine des méthodes et des connaissances provenant des sciences sociales de l’espace, des mathématiques appliquées aux sciences sociales, de l’économétrie et de la philosophie politique. Elle associe réflexion théorique et modélisation formalisée à un dispositif expérimental. Celui-ci consiste à placer des acteurs dans une situation simulée au sein d’un espace générique, mais proche de situations effectives ou vraisemblables, puis de les interroger dans ce cadre, sur les valeurs qui définissent pour eux un espace juste. Grâce à cette formalisation, ils peuvent prendre conscience directement des conséquences territoriales de l’application de leurs arguments et peuvent réajuster leurs choix le cas échéant. Le modèle générique qui leur est proposé est construit à partir d’un corpus défini d’études disponibles, fournissant des données épidémiologiques, économiques et spatiales. Il se situe donc au plus proche des conditions réelles, tout en rendant son utilisation possible, sans perte de substance excessive, dans diverses situations présentes en Suisse.

 

De même qu’aucune théorie de la justice n’a réussi à devenir consensuelle et indiscutable, nous pouvons penser que les arguments individuels ne seront pas identiques. C’est pourquoi nous réunirons dans un second temps les acteurs interrogés afin qu’ils puissent prendre connaissance des propositions de chacun d’entre eux, et des situations que produirait chaque contrat social spatial proposé s’il était appliqué à l’ensemble du territoire. Ce moment de l’expérience met en pratique l’hypothèse selon laquelle toute construction d’une justice spatiale suppose une composante procédurale. L’un des bénéfices attendu de cette recherche est de mettre en œuvre des processus de traduction entre attentes individuelles et politiques publiques possibles. Nous ne proposons pas aux individus-citoyens une réaction critique face à des politiques publiques définies à l'avance, mais d’énoncer et de mettre en pratique leur conception d’une justice spatiale. L’objectif est enfin, en proposant un outil réaliste d’explicitation et de justification, de faciliter le débat public et la prise de décision.