Une double conférence sur la justice spatiale, par Ana Póvoas et Vincent Dussart

À partir des enjeux de justice spatiale identifiés sur le terrain, auprès des habitants, Ana Póvoas, cocréatrice du Rhizome, raconte un futur imaginé pour le pôle métropolitain de Nantes Saint-Nazaire 

 
 

Sur l’invitation du Gis-Grale (Groupement de recherche sur l’administration locale en Europe), Ana Póvoas et Vincent Dussart ont présenté leurs travaux sur la justice spatiale au sein d’une nouvelle rencontre interdisciplinaire entre droit et sciences sociales de l’espace.

Lors de cette rencontre, deux pierres d’angle de la notion de justice spatiale ont été énoncées.

« Raconter un futur et son chemin. La justice spatiale au service du projet politique de Nantes Saint-Nazaire » illustre, par un projet de recherche-action, le potentiel transformateur des procédures qui visent à définir, avec les citoyens, ce qu’est un espace juste et les moyens d’y parvenir.

Vincent Dussart, avec l’exposé « Finances publiques et justice spatiale », a exposé l’illisibilité et les incohérences actuelles du système français de péréquation au détriment de la solidarité entre territoires.

La conférence peut être suivie en différé.

 
 

Voici un extrait du récit de futur produit par Ana Póvoas pour le Pôle métropolitain de Nantes Saint-Nazaire :

« Je suis de visite au Bassin de vie de Nantes-Saint Nazaire pour l’inauguration du Cimetière Vertical de La Centrale Thermique de Cordemais. Les citoyens-ambassadeurs et les écoliers qui ont assuré le lien du projet avec la société locale m’attendent. Il y a bientôt 30 ans que le Bassin de vie, qui s’appelait à l’époque Pôle métropolitain, a envisagé ce lieu. Étrange idée, ai-je pensé. Entretenir un lien avec ceux que nous avons aimés et qui sont partis dans une tour, ce n’était pas sans controverse. Mais les plus réticents ont finalement été séduits par la beauté du propos. Aujourd’hui, je monte cette cheminée pour venir regarder le coucher du soleil orangé sur l’Atlantique, pointillée par le profil des navires en contre-jour à Saint-Nazaire. C’est à la fois nostalgique et revigorant d’avoir pour compagnie ce vent océanique (qui me rappelle celui de ma ville natale, Porto) et le vol des hérons cendrés.

J’ai croisé leurs nids sur le chemin de roselières que j’ai emprunté pour venir de la gare de Cordemais. Les douves de Pontreau étaient incroyablement silencieuses. Difficile à croire que je suis en plein parc urbain qui dessert plus d’un million d’habitants. J’ai donc pris mon temps pour y arriver même si les navettes à intelligence artificielle auraient pu m’amener en vingt minutes. J’aurai probablement croisé, pendant la course partagée optimale, quelques vieilles amitiés, invitées aussi aujourd’hui.

Mais j’ai choisi de marcher doucement, car, il paraît, un peu de lenteur fait partie du projet… “Un autre rapport au temps, dans notre vie, dans notre journée, mais aussi au regard des temps de l’Histoire”, lit-on dans la couverture de la brochure qui affiche aussi une photo du bâtiment à l’allure de cathédrale, visible de partout sur le territoire comme un hommage à ce qui, dans la vie individuelle et collective, inévitablement, passe. Une belle carte avec les différents usages du site occupe l’intérieur du prospectus : à côté du cimetière, un Centre de création sociétale sur les passés au présent, un Pôle de recherche en énergies durables, une École internationale de botanique et la Centrale de biomasse qui sera bientôt reconvertie avec le dernier cri de la technologie énergétique.

L’idée un peu farfelue du Cimetière Vertical fu de faire cohabiter des temps historiques différents dans un même endroit. Dès le début, les habitants cherchèrent à guérir les souffrances spatiales et les blessures dans l’estime de soi, manifestées à l’époque dans tout type de tensions sociales et politiques. Ces dernières étaient issues de cinquante ans de naufrage des modes de vie populaires en disparition — que ce soit dans l’usine qui donna lieu à un atelier d’artistes, le bar de marin devenu le dernier lieu chic et tendance… et de nouvelles difficultés comme les chantiers navals employant des étrangers entassés dans des camions-dortoirs. La Nantes–Saint-Nazaire du dernier quart du XXe siècle et du premier quart du XXIe siècle était perçue par certains comme destinée à servir les habitants “hipster” et “bobos”, reléguant les autres au statut de citoyens de deuxième classe. 

 
 
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